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FALLOUT24

Verset 11 : Quicquid Aetatis Retro Est, Mors Tenet

Une semaine avait passée. Tout s’était ensuite passé comme prévu, malheureusement trop tard. Une fois tous les cinq dehors, nous avions escaladé les douves jusqu’à revenir au niveau de la rue. La nuit aidant, nous n’avions pas été repérés par les snipers. Kurts, avant de partir, s’était payé le luxe de coincer le détonateur et la dynamite contre la porte, ainsi, le garde qui avait ensuite ouvert la porte avait provoqué une belle explosion, que nous avions entendue de loin. La tour avait tenu bon, mais j’ose imaginer qu’une telle déflagration dans les fondations avait laissé de beaux souvenirs de notre passage à Jude. Pour Chico, Crowbar, et les autres. Maintenant des fantômes, qui allaient bientôt être soufflés par le vent du désert comme la poussière des wastelands.

On m’avait fait une sorte de plâtre sur l’épaule ; elle se remettait peu à peu. Kurdy avait repris sa mule Erza, et était parti vers le Sud-Ouest. Trop froid pour lui dans le coin. Quant à Kurts, Python, Mina, et Moi, nous avions décidé de rentrer. Rentrer. C’était le bon terme. Nous n’avions jamais été chez nous ici. Et le coup d’éclat que nous voulions faire avait déjà un goût de baroud d’honneur avant d’être entamé. Bref, nous avions tout laissé en plan dans le bastion, avions pris un peu de matériel et les chevaux, puis le chemin inverse de celui emprunté quelques mois auparavant.

Kurts, d’abord maussade, devenait peu à peu plus joyeux, et nous redonnait du baume au cœur. Quelque part, nous revenions en vaincu. « …et c’est là qu’il s’est rendu compte que la fille à qui il avait donné rendez-vous, c’était sa femme. Ha, la crise ! Après un moment d’hésitation, il a fait semblant qu’il était au courant de tout et qu’il la testait, mais elle a pas été dupe ; je vous raconte pas ! Ça n’a rien à voir mais mine de rien, j’espère que c’est pas la semaine où Tina a ses règles ! Après plus de quatre mois d’absence, je serais bien dégoûté ! » Finalement tout le monde riait, quand il faut évacuer on n’écoute pas vraiment ce qui est dit, juste l’intention… C’était sûrement très drôle et nous riions de bon cœur. D’un naturel méfiant, je commençai pourtant à me poser des questions ; on se rapprochait de plus en plus de Junktown, notre ‘ville’ de départ, si tant est que nous puissions parler de ville ou village, alors que je me trouvais depuis mon départ dans l’ancienne New York. On ne rencontrait pourtant aucune activité humaine. L’inquiétude se changea en appréhension en voyant la première maison brûlée. Plus personne ne parlait. Kurts s’était arrêté au milieu d’une phrase. Tout le monde regardait, ébahi, les ruines carbonisées de ce qui avait été un pôle de renaissance, un endroit de vie, qui avait résisté à la bombe, aux radiations, aux goules, aux voleurs, pillards et autres mécréants… Tout était mort.

Nous étions arrivé dans les vestiges calcinés de ce que nous avions connu il y a quelques temps. La dévastation dans un univers dévasté n’en reste pas moins frappante. Au départ, seules des ruines nous avaient accueillies. Ensuite, ç’avaient étés les corps. De simples cadavres auraient été un soulagement. Mais les mutilations subies par les villageois, vraisemblablement avant leur dernier soupir, ou leur dernier râle dans ce cas, évoquaient trop de souvenirs douloureux pour nous être indifférents. Le boucher avait été empalé sur son crochet à viande ; chaque puit contenait un ou deux corps qui flottaient ; ici, un cadavre affreusement mutilé, l’homme avait vraisemblablement été recouvert de chaux vive ; là, une mère, les deux mains amputées, était étendue devant le reste d’un feu où l’on pouvait deviner un corps de nourrisson carbonisé ; suivaient de nombreuses autres horreurs, empalements, pendaisons, viscères à l’air libre étant monnaie courante. Un nouvel Oradour. Parlant peu, nous rassemblâmes les corps autant que possible, puis fîmes un grand bûcher. L’odeur, avant et surtout après la crémation, était infecte. Les mouches étaient omniprésentes, nos vêtements, malgré l’état de décomposition des corps et le fait que le sang avait du sécher, finirent la journée complètement poisseux. La plupart des maisons avaient brûlées, mais nous pûmes trouver de quoi nous changer. Le soir, alors que le plus gros du travail avait été fait, nous décidâmes de ne pas passer la nuit dans ce cimetière. Je proposai d’aller à la fabrique de Nuka~Cola, elle avait sans aucun doute été de nouveau abandonnée.

Il faisait nuit ; j’étais sur le toit, je regardais devant moi. L’usine était en effet vide quand nous étions arrivé, nous avions même trouvé de quoi nous laver. Kurts et Python étaient resté en bas, moi j’étais monté, et Mina avait suivi. Elle s’était endormie sur mes genoux. Nous étions tous bouleversés. La nuit était très sombre. On distinguait toutefois la silhouette noire et déchirée des immeubles tout autour de nous. Le vent mugissait, régulièrement, par vagues successives plus ou moins intenses ; passant à travers les ruines, maltraité par les murs acérés, rejeté par les pans irréguliers, il s’imprégnait de la douleur des lieux et l’extériorisait, la rendait presque palpable. De jour, l’activité ne nous faisait pas y prêter attention, mais de nuit, si l’on s’y attardait un peu, il rendait le lieu tantôt encore plus lugubre, tantôt mélancolique. Quelque part, le soin lointain d’une rafale ; des aboiements ; un rire gras. Difficile de croire que la vie continuait. Et pourtant. Nous venions de mourir deux fois : la première dans le WTCF, avec le reste de notre gang, et une seconde fois avec la destruction de cette enclave. Le plus dur, quand on meurt, c’est de rester en vie. J’aurais aimé croire qu’il y a cinquante ans, on s’était battu pour la liberté. Mais non ; on s’était battu pour le profit, et finalement, c’était cette destruction qui en avait résultée, théâtre et prétexte a de nouvelles et toujours plus nombreuses destructions. Après tout, la guerre avait assez peu changé notre monde. La civilisation avait emporté avec elle l’hypocrisie de ceux qui dirigeaient, les massacres étaient juste un peu plus concrets qu’avant. Une fois leur vie gâchée par le système, avant la guerre, les gens continuaient à vivre machinalement, plantes vertes avec des habitudes. Maintenant, le corps n’oubliait plus d’accompagner l’esprit. Quoi que. Je m’égarais, je racontais n’importe quoi. Comment comparer un monde que je n’avais pas réellement connu avec ce que je connaissais, et qui n’était pas réellement un monde ? Rien n’avait changé certes, quelques petits détails seulement. Comme il y a un siècle, je rêvais, ma petite amie dormant sur mes genoux, en regardant la nuit, au coin du feu. En fait de feu, un brasier, quant au crépitement, il venait du compteur Geiger, mais tout cela avait-il de l’importance ? Toutes ces questions étaient en fait bien inutiles. Dans ce monde, où vivre le moment présent prenait tout son sens, car le moment passé est bien souvent douloureux, et le moment futur risque de ne plus l’être, il paraissait idiot de ne pas continuer à respirer, alors que c’était un tel privilège que de voir se lever le soleil. Je devais me résoudre à ne pas être maître des évènements extérieurs, et donc les placer à un plan secondaire, pour ne m’occuper que de ce que je pouvais contrôler, et ainsi vivre, pendant que je le pouvais encore. Je m’étendis et regardai les étoiles. Encore un privilège ; il y a cinquante ans, leur lumière était éludée par celle de l’artifice, néons et autres enseignes lumineuses, omniprésent en ces lieux.

Le lendemain, nous nous étions rendu chez les Corleone. Il était peu probable que ce soit eux qui aient étés responsables du massacre, mais ils avaient peut-être des informations. Je ne reconnus tout d’abord pas les lieux. Leur grande villa était criblée de balles, et un énorme trou perçait le bâtiment de part en part. « Après la piscine, la clim’ ». Une certaine agitation se fit sentir quand nous arrivâmes. Le doyen vint lui-même nous accueillir. Il ne semblait pas nous en vouloir, et paru heureux de voir des gens qu’il connaissait. Il nous apprit qu’un de ses hommes était venu le prévenir qu’il y avait du grabuge ; il avait alors envoyé une escouade, pour protéger les commerçants qui ‘louaient’ ses services. Son fils y était resté. Le reste de la troupe aussi, mais c’était bien moins important. Il avait alors sorti les grands moyens : la moitié de ses hommes, armes lourdes, lance-roquettes, etc. Non seulement l’armée avait été décimée, mais les assaillants étaient repartis en passant par la villa détruisant et tuant tout sur leur passage.

« Ils n’ont même pas cherché les gens au étages : ils sont arrivés en tuant tous ceux qu’ils voyaient, ont littéralement traversé la maison et ont continué leur route.
- Et de combien de mercenaires était composée cette troupe ? Quel armement ? Un tank ?
- Ils étaient quatre. A moto. Un armement très basique somme toutes. Ils ont utilisé un lance-roquette à nous pour percer le mur. »
L’information nous consternait encore plus que tout le reste. Quatre motards avaient détruit une ville et mis en déroute une armée de mercenaires. Le patriarche nous expliqua que le peu de ses hommes encore en vie devait faire face à une épidémie que personne n’arrivait à endiguer, ni même à identifier. Kurts et moi nous nous regardâmes. Nous pensions aux quatre motards qui un jour étaient venu s’asseoir au Cafe of Broken Dreams, qui semblaient redoutables mais sans armes, et qui arboraient pour trophée une cordée de mains momifiées. Le patriarche de rajouter : « Si un jour vous retrouvez leur trace, n’hésitez pas à venir chez nous pour vous armer et prendre tout ce qu’il vous semblera nécessaire. J’ai trop perdu pour laisser ce crime impuni. Oublions les querelles passées, c’était de bonne guerre, je suis trop heureux de vous voir en vie, à part vous personne n’a survécu ».

Alors que nous repartions, je regardais Kurts ; la dernière phrase du Corleone semblait tourner et retourner dans sa tête. Pendant que nous rassemblions les corps, il avait frémi, plein de crainte, à chaque nouveau cadavre, mais n’avait pas trouvé Tina. L’avis du Corleone, bien renseigné sur le sujet, devait le troubler. Python proposa de s’en aller. Il avait déjà de nouveaux projets, et la vie devait continuer. Nous arrivions à une nouvelle phase, nous avions tourné une nouvelle page de ce qui s’inscrivait à nouveau comme le passé. Kurts répliqua que pour lui ce n’en était pas. Qu’il pourrait y passer des jours mais qu’il retrouverait Tina. Qu’elle soit morte ou non, qu’il doive ou non la suivre. Et, alors que nous continuions à nous éloigner, il fit demi-tour, furieux.

J’appris plus tard qu’il avait fini par la retrouver. Sa tête sur une pique, à dix mètres de son corps lacéré.

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