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FALLOUT24

Verset 5: Amicus Certus In Re Incerta Cernitur

Un jour, alors que je crapahutais comme à mon habitude, en m’éloignant le plus possible de ce centre humain pour visiter les ruines de l’ancienne ville, je fis une découverte intéressante. J’avais pris l’habitude de remonter la rue principale, puis de tourner vers le nord. S’en suivait un dédale de petites rues puis je passais par ce que j’appelais ‘la galerie des portraits’. Sur un mur encore bien portant (il atteignait l’étage), blanc, dont les grosses pierres ressortaient et lui donnaient un air bosselé, des tableaux publicitaires avaient été peints. Ces vestiges anciens me ramenaient en arrière, à une époque que je n’avais pas connue, et je ne me lassais pas de passer par là. Le premier représentait un superbe ordinateur : « Le Nouveau PPB-2K.FE (Pipboy 2000 Family Edition)
=> 64 Ko de mémoire vive ! (dont plus de 42K réellement utilisables par l’utilisateur)
=> 32 Ko de ROM avec BASIC, le langage de l’avenir !
=> Générateur de son : 3 voix sur 6 octaves, haut parleur intégré !
=> Lecteur de K7 intégré : vitesse d’enregistrement de 1 à 2 Kbaud (grande vitesse)
=> Port imprimante, Port manette, Port pour le futur lecteur de disquette 5’1/4 (actuellement en développement).
=> Branchement simple sur votre téléviseur ; 4 couleurs, haute résolution (320.200)
=> Livré avec Space Invaders, le jeu qui révolutionne la ludothique
=> Pour seulement $ 1,999.99 

RobCo. Industries, a divison of Vault-Tec Corp.»
Je regardais cette affiche avec envie, dédaignant mon vieux Pipboy avec son écran au phosphore deux couleurs et ses plantages et bugs réguliers.

La seconde publicité représentait le schéma en coupe d’un abri, avec sur le côté un couple souriant : « The Vault of the Future ». Une publicité pour les abris développés par l’entreprise Vault-Tec. J’espérais que ceux-là avaient eu plus de chance que mes parents. Une autre publicité représentait une maison middle-class américaine, côté jardin. Les voisins de gauche faisaient un repas de famille bien arrosé, celui de droite tondait la pelouse. Le propriétaire de la maison, en premier plan, souriant, chapeau et costume, avait une pipe à la main et une AK-112 dans l’autre. « Bored of your Neighbors ? Now they will hear you ! ».
Ces publicités représentaient toute une époque bénie…

J’allais toujours plus loin vers le nord, sans rencontrer de nouveau groupe humain (ou cannibale comme le goules). J’avais même un jour trouvé une vieille locomotive. La voie de chemin de fer avait été déboulonnée, rails et traverses avaient été emportés, sauf à cet endroit, et pour cause ! Il s’agissait d’une antique Big Boy, la plus grosse machine à vapeur jamais construite, appartenant à l’Union Pacific Railroad, qui servait pour tirer les trains de minerai dans les rocheuses. C’était une 4-8-8-4 (2-4-0+0-4-2 pour le système français). C'est-à-dire qu’elle était portée par deux châssis articulés par rapport à la loco, chacun ayant deux essieux porteurs vers l’extérieur et quatre essieux moteurs vers l’intérieur. Cinq mètres de haut, quarante de long, ce monstre pouvait bouger ses cinq cent tonnes à plus de cent trente kilomètre/heure. Elle semblait dans un très bon état et l’habitacle était gardé par un énorme cadenas qui avait du décourager les pilleurs ; à moins que ce ne soit l’apparence de l’engin, qui devait faire peur dans ce monde qui avait oublié son passé. Malheureusement je ne pouvais pas exploiter cette merveille et c’était avec regret que je l’avais abandonnée.

Mais la vrai grande découverte que j’avais faite était une usine de Nuka~Cola, cachée dans une zone industrielle particulièrement dévastée, dont le seul chemin d’accès demandait une bonne condition physique et vingt minutes d’escalade. Je n’étais monté là que parce que j’étais poursuivi par trois dogues enragés et que j’avais bêtement laissé mon fusil dans mon sac. J’avais visité émerveillé, les lieux n’avaient presque pas été pillés, un pan de mur avait du s’écrouler plus tard et en empêcher l’accès. Le bâtiment était pris entre d’autres bâtisses, et il n’existait que deux entrées : la double entrée pour l’arrivage des ingrédients et la sortie du produit, ces deux portes étant de dimension considérables, protégées à l’origine par des rideaux de fer (l’un était complètement enfoncé et je doutais qu’il ne puisse encore coulisser dans les glissières murales, et l’autre avait tout bonnement disparu – c’était par là que j’étais entré) et étaient surélevées d’un mètre par rapport au niveau de la rue, pour coïncider avec l’ouverture des remorques des camions. Ces entrées de marchandises donnaient sur la rue, un peu élargie à cet endroit pour faciliter les manœuvres des véhicules ; cette rue débouchait sur un cul-de-sac à une dizaine de mètres en aval, et elle était barricadée en amont par des gravats comme je l’ai expliqué. Du reste, cette rue ne desservait que l’usine puisqu’elle ne donnait sur aucune autre porte ou orifice vers les bâtiments qui la bordaient. L’autre accès était une porte en acier qui aurait donné sur un petit parking réservé au personnel si on avait pu l’ouvrir. L’épaisseur du blindage et l’entêtement de la porte à ne pas bouger laissaient peu d’espoir de passer par là. Néanmoins je vis plus tard, du premier étage, la petite cour encombrée de carcasses de voitures ; une ruelle à l’opposé la reliait au réseau routier de la ville, et quelques portes dans les bâtiments proches montraient qu’elle était partagée par plusieurs entreprises. Bref, un ensemble de détails m’amenèrent à penser que ce n’était qu’une petite usine de quartier, qui ne devait produire que le Nuka~Cola Classic, qui avait toujours connu une forte demande, surtout à partir du moment où la direction du groupe avait décidé d’ajouter des ingrédients entraînant de forte dépendance.

L’usine était composée d’une grande salle de dix mètres sur vingt environ, sur deux étages. En entrant par une des deux grosses portes, on arrivait à l’air de transit. Sur la droite se situaient toutes les machines, entièrement automatisées, devant soi une petite pièce, bureau du chef de l’usine, et à la droite de ce cabanon la porte vers le parking. Tout de suite à gauche des rideaux de fer un escalier en colimaçon menant à la plate forme constituant l’étage. Au dessus du bureau se trouvait la salle de l’opérateur : beaucoup de cadrans, écrans, voyants, et boutons. Au dessus des machines, une simple passerelle faisait le tour de la salle pour permettre aux techniciens de vérifier le matériel. Aux deux niveaux, une porte dans le mur de gauche donnait sur deux petits entrepôts, celui du bas contenait des caisses de bouteilles vides et celui du haut des bidons de produits divers, sans doutes pour l’entretien. Il y avait du avoir des outils, mais ils avaient disparus, comme les bouteilles pleines. En farfouillant dans la salle de l’opérateur, j’avais remarqué un voyant qui clignotait. Sur le coup, je m’étais seulement demandé comment il pouvait trouver l’énergie nécessaire. J’avais alors essayé de monter sur le toit. Ce fut assez difficile, mais comme l’usine était plus haute que ses voisines, je pus en faisant une étape sur un toit, passer d’une fenêtre à mon objectif. Sur la droite, juste au dessus des machines, on trouvait quatre gros châteaux d’eau. Je compris plus tard qu’ils contenaient la matière première pour faire la boisson. Le reste du toit était couvert de panneaux solaires. Ces petits carrés bleus-noirs de silicium pouvaient paraître verroterie pour des pillards-alpinistes, mais moi je savais que je venais de découvrir une mine d’or. Très vite je me mis à faire des recherches, à fréquenter la bibliothèque de Junktown. Un manuel d’électronique primaire, des livres de sciences, deux-trois précis de mécanique, je commençais à me former puis je me mis au travail et j’essayai de réparer ou remettre en marche certaines fonctionnalités de l’usine. Un jour, la chaîne de bouchonnage des bouteilles pleines se remit en marche. Certes je n’avais ni bouteilles ni bouchon ni produit, mais le tapis roulant roulait, et, après quelques aménagements supplémentaires, j’eus l’idée de me confectionner un pas de tir : la chaîne passait à un endroit dégagé derrière lequel se trouvait le mur, et elle transportait aisément des boites de conserves vides. Je me mis à emprunter des magazines d’armes, principale source de revenu de la bibliothèque, et à m’exercer avec mon 10 mm, ma carabine et mon fusil de chasse.

Ma capacité à toucher des boîtes de conserves en mouvement commençait à être impressionnante. J’aurais assez vite manqué de boites et de munitions s’il n’était arrivé un événement perturbateur. J’essayais alors de toucher une cible à vingt-cinq mètres en me jetant sur le côté, et je tombais sur une pile de cartons et chiffons pour amortir un peu la chute. J’entendis une voix : « Jaques a dit : lâche ton arme ! », en même temps que le bruit caractéristique de la balle qu’on fait entrer dans le canon : clac-clac. Je jetais un coup d’œil par dessus mon épaule et vis l’arme de l’affiche : une AK-112, avec quelqu’un derrière !
Certainement un voisin que le bruit avait dérangé. Je lâchai donc mon arme, puis jaques me demanda de me relever doucement, d’enlever mes chaussures, d’imiter la poule. Personnellement je ne trouvais pas cela très spirituel. « Jaques a dit : fais le poirier ! » Vous comprendrez aisément pourquoi l’agilité est la plus importante des statistiques. « Tu peux arrêter ; attention il y a un piège ! » Est-ce que c’est cela qu’on appelle l’intuition, quand on est certain qu’il vaut mieux ne pas faire quelque chose ? Mes bras faiblissaient de plus en plus et je n’avais pas du tout envie de perdre. « Jaques a dit : évite le crochet ! » Ce n’est pas tant la fatigue que le fait d’avoir reconnu une voix connue qui me fit lâcher. En fait si, c’était la fatigue : j’étais complètement épuisé, et alors que je m’écroulais à terre je pus voir Kurts qui lançait de toutes ses forces un crochet de manutention dont le rail passait juste au dessus de mon compagnon de jeu. Celui-ci, surpris, se releva et reçut le crochet en pleine poitrine ; il fut envoyé dans un fouillis de bidons vides et ferrailles diverses. On entendit un crépitement, puis plus rien : s’il ne pouvait pas se relever il avait toujours son arme chargée. D’un coup d’œil Kurts remarqua quelques détails intéressants et passa à l’étage. Il déboucha un bidon et le déversa à travers une grille sur le sol en dessous de lui. Puis il redescendit, mit son chalumeau en marche et s’approcha du lieu de repos de notre nouvel ami : « Oups, j’ai fait tomber de l’essence, il ne faudrait pas que je tombe avec ce chalumeau allumé, sinon on aurait un peu trop chaud… » L’autre comprit le message et ne tira pas. Je m’approchai : mon agresseur avait un gros creux dans la poitrine et certainement de nombreuses côtes cassées. Il était mi couché, mi adossé à un bidon, et avait vomi du sang qui se mêlait à la matière noirâtre et poisseuse qui dégoulinait lentement de l’étage. Kurts lui reprocha de ne pas avoir obéi à Jaques et d’être un mauvais joueur. Je l’aime beaucoup mais je pense quand même que c’est un immonde tortionnaire. « Bon, tu vois ça ? C’est une balle de dix millimètres dont le projectile ira mettre fin à tes souffrances si tu réponds à trois questions : pourquoi, qui, et où ? » L’autre cracha du sang mais ne dit rien. Kurts me prit mon automatique, sortit le chargeur : quatre balles plus une dans le canon. Il lui tira la première dans la jambe. « Tu as encore quatre chances pour découvrir rapidement quel religion était dans le vrai. » Après une seconde balle dans la hanche, il nous expliqua qu’il avait une planque pas loin et que je le dérangeais, qu’il y avait encore son frère qui était au courant de l’affaire. Puis il termina par une chaude recommandation d’aller nous faire foutre, je crois que c’est pour ça que Kurts l’acheva en lui tirant dans le nez plutôt que le front.

Kurts m’expliqua que Tina était ‘’indisponible’’ cette semaine, et qu’il avait voulu voir cette usine dont je lui parlais tant. Il était arrivé au bon moment et avait voulu se joindre à la fête. Nous nous rendîmes à la barricade qui bouchait la rue, et nous trouvâmes une plaque de tôle comme nous l’avait indiqué notre ami à l’œil de la sagesse un peu bas. Elle cachait un boyau vaguement consolidé qui s’enfonçait jusqu’à une bouche de métro. L’intérieur était aussi délabré et en ruine que l’extérieur, la plupart des salles étaient bouchées ou pleines de gravats. On risquait peu de se perde, le chemin avait été déblayé par la main de l’homme et laissait peu de parcours divergents. Rapidement, je vis la lumière vacillante d’une lampe à pétrole sur un mur. Kurts prit mon fusil de chasse – je pense qu’il s’était rendu compte que toutes ces petites billes de plomb ayant pour but un seul corps, cela faisait beaucoup de trous, et cela l’excitait. Nous avançâmes doucement, et alors que je risquai un léger coup d’œil au-delà de l’angle du mur, je fus accueilli par une rafale peu engageante, et par un discours que la décence et un certain respect pour ma mère m’empêchent de retranscrire. Malgré mes entraînements intensifs, j’avais peu envie d’essayer le tir en sautant sur le côté, et durant quelques minutes la bataille se résuma à un échange de tir, chacun contre son mur. Puis un petit bruit métallique et un mouvement sur le sol nous firent baisser les yeux : « Grenade !!! » hurla Kurts, suivi d’un « putain, l’en… » que la décence et un certain respect pour ceux qui ont une sexualité différente m’empêchent de retranscrire. Nous avions couru jusqu’à une pièce proche et n’avions eu à souffrir aucun dégât. Kurts s’affaira en grommelant dans son sac. Puis il revint au coude du couloir, qui commençait a être sérieusement délabré, et jeta à son tour une grenade, qu’il avait récupéré chez nos voleurs. On entendit un juron ressemblant à celui que Kurts avait lancé. Mais elle n’explosa pas, et je remarquai alors que Kurts tenait à sa main un fil, qui s’agita et qu’il tira énergiquement. Après un moment de flottement une forte déflagration se fit entendre. Kurts me parla : « Je tiens à te prévenir que, voyant que la grenade n’explosait pas, notre hôte a voulu la réutiliser, et c’est à ce moment là que je l’ai dégoupillée. Il n’a pas du comprendre tout de suite, et en tous cas trop tard. » C’est en voyant la salle repeinte en rouge et un tronc sans bras ni tête que je compris, en rendant mon déjeuner, pourquoi il m’avait prévenu.

« Maintenant qu’on a tout le matos qu’ils entreposaient, on va devenir encore plus riche non ?
-Non, maintenant on aurait plutôt intérêt à disparaître de la circulation. »

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